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Mauri König : «la parole comme arme de défense»

Par SIMON BENOIT-GUYOD, publié le mercredi 21 juin 2023 08:26 - Mis à jour le vendredi 30 juin 2023 14:10
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Figure de journalisme d'investigation au Brésil, Mauri König est reconnu dans le monde entier pour ses enquêtes méticuleuses. Il nous livre un témoignage sur sa carrière dans un environnement parfois hostile à la liberté de la presse.

Le brésilien Mauri Konig est journaliste d’investigation depuis 1991. Au cours de sa carrière, il a collaboré avec de nombreux journaux comme O Estado do de S. Paulo et Gazeta do Povo. En 2002, il a remporté le Prix inter-américain de la presse. En 2012, il a également reçu le Prix international de la liberté de la presse de la part du comité de la protection des journalistes puis le Prix Cabot en 2013 de la part de l’Université Columbia de New York pour son travail sur le continent sud-américain.

Considéré comme l’un de plus grands reporters d’investigation d’Amérique Latine, Mauri König a accepté de répondre aux questions que nous lui avons posées sur son métier, ses réussites, et les difficultés qu’il a rencontrées tout au long de sa vie. Journaliste polyvalent, il a eu la chance de traiter de nombreux sujets. “J’ai presque tout couvert dans mes reportages, comme le crime organisé, le trafic de drogue, les violences policières, les violations des droits de l’homme, les crimes contre les enfants,” explique-t’il.

Le journalisme est fondamental

Mauri König estime que sa profession n’est pas une tâche facile .“Les journalistes sont mis à l’épreuve tous les jours. Néanmoins, je trouve que le travail des journalistes est moralement défendable”. Il considère que le journalisme est fondamental : “j’ai toujours été convaincu que le journalisme est un instrument qui transforme les personnes et les réalités”. En tant que journaliste d’investigation, il croit aux répercussions positives de son métier.

“Les intentions de mes reportages sont de révéler ce que les gens ont le droit de savoir, et de planter une graine d’indignation en chacun d’eux, afin que chacun, dans la mesure de ses possibilités, puisse faire quelque chose pour améliorer la réalité de tous ceux qui l’entourent. »

Selon lui, l’article qui l’a le plus touché parle de jeunes Brésiliens enrôlés illégalement au Paraguay. C’est en écrivant cet article qu’il a été agressé et torturé le plus violemment .

Le Brésil, un environnement risqué

Selon Mauri, les journalistes rencontrent plusieurs difficultés au Brésil, comme les meurtres et les agressions dans les cas les plus graves. Ils sont également victimes de censure et d’attaques.” Au Brésil, seul un homicide sur dix est élucidé. Ce faible taux se reflète dans l’impunité des crimes contre les journalistes”, explique l’homme originaire de l’état du Parana.

 

« La police brésilienne accorde plus d’importance aux crimes médiatisés. Les criminels au brésil ont 80% de chance de rester impunis. Le problème est qu’il y a un grand nombre de crimes et qu il’n’y a pas assez de journalistes pour en parler. Les personnes qui intimident , agressent ou tuent les journalistes ont des armes et l’anonymat, alors que le journaliste n’a que la parole comme arme de défense », souligne le journaliste.

Menaces et difficultés du métier

Mauri Konig a subit plusieurs menaces de mort dont celle d’un homme politique qui a “demandé sa tête à la direction du journal “. Il a également subit à trois reprises de la torture mais aussi des nombreuses menaces de mort. Suite aux risques encourus, il a donc été contraint de déménager de Foz do Iguaçu à Curitiba en 2003. Dans une série de reportages publiées dans le quotidien Gazeta do Povo, il a filmé des policiers en train d’effectuer des transactions de voitures volées “. Ces actions l’ont conduit à déménager de nouveau pendant deux mois, cette fois en se cachant à l’étranger. Il déclare que sa famille n’a jamais vu d’un bon œil son travail puisqu’elle était aussi menacée que lui.

Rêves et roman de fiction

Mauri partage l’expérience acquise tout au long de se carrière en enseignant le journalisme dans des facultés brésiliennes. Pourtant, son rêve aurait été d’être correspondant de guerre, un des rares sujets qu’il n’a jamais couvert. Amoureux de littérature, il vient de publier un livre de fiction intitulé Ensaio sobre quem somos (Essai sur qui nous sommes en français). Habitué à compiler ses reportages en livre, c’est la première fois qu’il s’essaye à l’élaboration d’un roman. Il déclare que “pour un journaliste qui a passé plus de 30 ans à rédiger de grands reportages, il est naturel de chercher d’autres moyens de s’exprimer par l’écriture.”

Juliette C, Maeva B, Pauline B, Alyssa M, Agathe G, Eddy C, Arthur V et Jules P.